Face au coronavirus des mesures inédites de prévention sont prises en France pour enrayer sa propagation, le Gouvernement encourageant d’ailleurs le télétravail dans les entreprises qui peuvent se le permettre. Aussi, après les grèves des transports en commun contre la réforme des retraites, l’épidémie de Covid-19 pourrait être l’ultime déclic pour pousser de plus en plus d’entreprises à adopter cette organisation du travail. Cependant, le risque épidémique et ces circonstances particulières, modifieront l’idée qui est communément attachée au travail à distance : si le télétravail est connu comme un droit du salarié, il l’est moins comme une obligation à laquelle il lui incombe de se conformer.
Le télétravail, de quoi parle-t-on ?
Le télétravail désigne « toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication » (article L.1222-9 du Code du travail).
Cette définition est assez large pour englober des formes et des lieux de travail différents. Nous pourrons ainsi citer :
- le travail sédentaire : le salarié travail exclusivement à son domicile, en utilisant un matériel mis à sa disposition par l’employeur ;
- le télétravail alterné (ou également dénommé « pendulaire » : le salarié alterne des périodes de travail à son domicile et sur son lieu de travail ;
- le télétravail nomade : le salarié conserve un bureau sur le lieu de travail, mais a recours aux technologies et outils de travail mobiles pour être en mesure de travailler depuis n’importe quel lieu.
De même, la fréquence du télétravail peut varier, permettant ainsi de recourir au télétravail, en pratique, dans de multiple situations. Il sera, à ce titre, précisé que le télétravail peut ainsi être régulier ou n’être utilisé que de manière occasionnelle pour répondre à des circonstances particulières, telles que les périodes de grève importante des transports en commun par exemple.
Comment recourir au télétravail occasionnel ?
Qu’il soit régulier ou occasionnel, le télétravail est mis en place dans le cadre d’un accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique (CSE) s’il existe.
L’accord collectif ou la charte devra préciser :
- les conditions de passage en télétravail et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail ;
- les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail ;
- les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail ;
- la détermination des plages horaires au cours desquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail ;
- les modalités d’accès des télétravailleurs handicapés dans une organisation en télétravail.
A défaut d’accord collectif ou de charte, il est toutefois possible de recourir de manière individuelle et occasionnelle au télétravail. L’employeur et le salarié formalise, dès lors, leur accord par tout moyen (article L.1222-9 du Code du travail). Cet accord peut ainsi être formalisé dans le cadre d’un avenant au contrat de travail précisant les modalités d’exécution du télétravail ou, plus simplement en pratique, par retour de courrier, d’un email ou d’un échange de sms, dès lors que ces données sont archivables.
Cependant, en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie ou en cas de force majeure (article L.1222-11 du Code du travail), , la mise en œuvre peut être considérée comme un aménagement du télétravail peut être considéré comme un aménagement du poste du travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés. Autrement dit, en cas de circonstances exceptionnelles, l’employeur pourra déroger au principe du volontariat et imposer cette organisation du travail.
Ainsi, si l’entreprise se situe dans une zone de circulation active du virus, ou si le salarié rentre d’une zone à risque (pour l’heure : Chine, Singapour, Corée du Sud, Iran et les régions italiennes de Lombardie, Vénétie, Emilie-Romagne et Piémont), l’employeur peut décider d’imposer le télétravail à son salarié.
Enfin, selon l’ANI du 19 juillet 2005, pour les entreprises non couvertes par un accord collectif en la matière, l’employeur doit s’assurer de la conformité des installations électriques et du lieu de travail du salarié en télétravail afin de lui fournir, d’installer et d’entretenir les équipements nécessaires à cette activité. A défaut de pouvoir contrôler la conformité des installations, notamment compte tenu en pratique des délais opérationnels laissés à l’employeur face à l’urgence de la situation, en cas d’ordre de confinement ou de mise en quarantaine, une attestation sur l’honneur des salariés devrait permettre, dans ces circonstances, de se conformer à ces obligations.
Quel est le statut du télétravailleur ?
Le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié travaillant dans les locaux de l’entreprise. A ce titre, il sera rappelé que :
- comme énoncé aux termes de l’ANI du 19 juillet 2005, l’employeur doit veiller au strict respect des dispositions légales et conventionnelles, notamment relatives à la santé et la sécurité au travail. De même, la charge de travail, les normes de production et les critères de résultats exigés du télétravailleur doivent être équivalents à ceux des salariés en situation comparable travaillant dans les locaux de l’employeur.
- le télétravailleur bénéficie de la même protection sociale que les autres salariés de l’entreprise. En conséquence, sera présumé être un accident du travail celui survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l’exercice de l’activité professionnelle.
- si les salariés exerçant leur activité dans les locaux de l’entreprise bénéficient des titres-restaurant, les télétravailleurs doivent aussi en recevoir si leurs conditions de travail sont équivalentes. Ainsi, si leur journée est organisée en 2 vacations entrecoupées d’une pause réservée à la prise d’un repas, ils doivent recevoir un titre-restaurant (Doc. Urssaf du 8-9-2015).
Outre ses obligations de droit commun vis-à-vis de ses salariés, l’employeur est tenu, à l’égard du salarié en télétravail :
- d’informer le salarié de toute restriction à l’usage d’équipements ou outils informatiques ou de services de communication électronique et des sanctions en cas de non-respect de telles restrictions ;
- d’organiser chaque année un entretien qui porte notamment sur les conditions d’activité du salarié et sa charge de travail (article L.1222-10 du Code du travail).
Concernant la prise en charge des frais, l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 a supprimé l’obligation pour l’employeur de prendre en charge tous les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci. Toutefois, il ne semble pas que la suppression de cette obligation signifie que l’employeur soit dispensé de toute prise en charge des frais induits par le télétravail, eu égard notamment à son obligation de supporter les frais professionnels (Cass. soc. 19 septembre 2013, n°12-15.137). En outre, selon la jurisprudence, si le salarié accepte, à la demande de l’employeur, de travailler à son domicile et d’y installer ses dossiers et instruments de travail, il doit être indemnisé de cette sujétion particulière ainsi que des frais engendrés par l’occupation de son domicile à titre professionnel, peu importe qu’il bénéficie, au titre d’une clause contractuelle, d’une allocation forfaitaire pour frais professionnels (Cass. soc. 27 mars 2019, n°17-21.014).