Veille jurisprudentielle
1. Règlement intérieur
En l’absence de règlement intérieur, une sanction autre que le licenciement, revêt automatiquement un caractère illicite.
En l’espèce, la salariée d’une association employant plus de 20 salariés, et donc tenue à ce titre d’élaborer un règlement intérieur comme exigé par l’article L. 1311-2 du Code du travail, s’est vu notifier un avertissement disciplinaire. L’association n’étant pas dotée dudit règlement, la salariée a alors saisi le juge des référés prud’homal.
Les juges de cassation ont considéré que la sanction revêtait un caractère illicite au regard de l’absence du règlement intérieur, et que le juge des référés n’avait pas tranché le fond du litige en prononçant l’annulation de la sanction disciplinaire, ce qui lui est interdit, mais ordonné à l’employeur de le faire. La nuance est subtile voire artificielle mais contente la Cour de cassation.
Il est à noter que la seule sanction disciplinaire qui puisse être prononcée en cas de carence du règlement intérieur lorsque celui-ci est requis, est le licenciement. En effet, le droit pour l’employeur de licencier trouve son fondement distinct dans le Code du travail à l’article L. 1231-1.
► Cass. soc 23 mars 2017 n°15-23.090 FS-PB
L’employeur d’une société absorbante doit soumettre son règlement intérieur aux représentants du personnel de l’établissement distinct qu’elle a absorbé.
En effet, le Conseil d’Etat a considéré que l’entreprise employeur doit soumettre son règlement intérieur aux représentants du personnel de l’établissement distinct qu’elle a absorbé. A défaut, celui-ci n’est pas opposable aux salariés de cet établissement, emportant ainsi les conséquences développées dans le paragraphe précédent.
En l’espèce, l’employeur avait bien consulté le comité d’entreprise sur son règlement intérieur, mais ne l’avait pas soumis aux délégués du personnel de l’établissement au sein duquel le salarié travaillait.
► CE 20 mars 2017 n° 391226
2. Obligations sociales
Une erreur dans la majoration des heures supplémentaires, ce n’est pas du travail dissimulé.
Lorsque l’ensemble des heures supplémentaires effectuées par un salarié ont bien été retranscrites sur ses bulletins de salaire, la seule application erronée de leur taux de majoration ne caractérise pas l’intention de dissimulation d’emploi. Cass. soc. 1 février 2017 n°15-23.039 F-D
► Cass. soc. 1 février 2017 n°15-23.039 F-D
3. Sanctions pécuniaires cumulables
Le cumul de sanctions pécuniaires opéré en cas d’emploi illégal d’un étranger est constitutionnel.
Selon le Conseil constitutionnel, le fait que l’emploi illégal d’un travailleur étranger soit passible à la fois d’une sanction pécuniaire et d’une amende pénale ne méconnait pas les principes de nécessité et de proportionnalité des peines.
L’emploi d’un travailleur étranger en situation irrégulière, non muni d’un titre l’autorisant à exercer une activité professionnelle en France est interdit. Y contrevenir rend l’employeur passible de des sanctions suivantes :
- Le paiement d’une contribution spéciale à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (articles L. 8253-1 et R. 8253-2 du Code du travail) ;
- Une peine d’emprisonnement de 5 ans et une amende pénale égale à 15.000 euros d’amende (article 8256-2 du Code du travail).
Les juges constitutionnels ont considéré que les deux sanctions étaient de nature différente du fait de la possibilité par le juge pénal de prononcer une peine d’emprisonnement. Par conséquent, ils conclurent à la constitutionnalité de l’article L. 8253-1 du Code du travail.
► Cons. Const. 30 mars 2017 n°2016-621 QPC
4. Cessation du contrat de travail
Métro, Dodo, Dodo : dormir au travail n’est pas toujours dodo.
Si le fait de s’endormir à son poste de travail est régulièrement reconnu comme une faute justifiant le licenciement (CA Montpellier 12 avril 2000 n°98-159), l’employeur ne peut sanctionner le salarié lorsque ce dernier travaille au-delà de la durée maximale hebdomadaire.
La durée maximale hebdomadaire de travail est fixée à 48 heures de travail par le droit européen. Ce faisant, un employeur qui ne respecte pas cette durée maximale ne peut reprocher à un salarié de s’endormir à son poste de travail, même en cas de préjudice commercial pour l’entreprise. En l’espèce, un agent de sécurité, qui avait travaillé 72 heures sur 7 jours, s’était endormi chez le principal client de son employeur, laissant ainsi sans surveillance l’accès au site. L’employeur l’avait donc licencié pour faute grave. La Cour d’appel saisie de l’affaire, a jugé ce licenciement sans cause réelle et sérieuse.
► CA Colmar 7 mars 2017 n°15-03621
Nullité du licenciement : le salarié protégé peut récupérer des avantages perdus.
L’article L. 2422-4 du Code du travail accorde au salarié protégé dont l’autorisation de licenciement est annulée une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi entre la rupture et sa réintégration, lorsqu’il la demande dans le délai légal. Cette indemnité, qui a le caractère d’un complément de salaire, a vocation à réparer son préjudice tant matériel que moral (Cass. soc. 12-11-2015 n° 14-10.640 FS-PB).
Pour la Cour de cassation, le préjudice matériel du salarié correspond aux rémunérations qu’il aurait perçues pendant la période considérée s’il avait continué à travailler, diminuées des revenus éventuellement perçus par ailleurs (Cass. soc.13-11-2008 n° 07-41.331 FS-PB ; Cass. soc. 29-9-2014 n° 13-15.733 FS-PB).
La question soumise aux juges, dans l’arrêt du 2 mars 2017, était celle de savoir si cette indemnité doit inclure une réparation au titre de la perte d’accès, pendant la période d’éviction, à des tarifs préférentiels accordés par l’employeur sur les produits qu’il commercialise.
En l’espèce, le salarié protégé travaillait pour une compagnie aérienne et bénéficiait de billets d’avion à tarif réduit. N’ayant pas eu accès à ces tarifs privilégiés pendant sa période d’éviction, d’une durée de presque 6 ans, il avait acheté des billets d’avion au prix public, la somme atteignait plus de 11 000 euros. La Cour d’appel, considérant que les tarifs préférentiels accordés par l’employeur sur ses produits au salarié n’étaient pas la contrepartie d’une prestation de travail, a débouté le salarié. A tort, selon la Cour de cassation, qui censure la décision : les billets d’avion à tarif réduit constituent un avantage lié à l’emploi du salarié, dont la privation pendant la période d’éviction ouvre droit à réparation.
► Cass. soc. 2 mars 2017 n°15-25.273 F-D
Rupture du contrat de la femme étrangère enceinte non titulaire d’une autorisation de travail.
Il résulte de l’article L. 1225-4 du Code du travail que l’employeur ne peut rompre le contrat d’une salariée lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constaté à moins qu’il justifie d’une faute grave de l’intéressée, non liée à l’état de grossesse ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement. Cette règle a valeur impérative.
L’arrêt du 15 mars 2017 vient refuser l’application de ce régime protecteur aux salariées étrangères ne disposant pas de titre autorisant l’activité salariée en France. Ainsi, ces dernières ne bénéficient pas en principe des dispositions légales protectrices de la femme enceinte interdisant ou limitant les cas de licenciement.
Selon l’attendu de la Cour de cassation, cette solution repose sur le fait que les dispositions de police des étrangers prévues à l’article L. 8251-1 du Code du travail sont d’ordre public. Les dispositions dudit article prohibent l’emploi d’un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France.
L’importance de cet arrêt réside dans la résolution du conflit entre ces deux dispositions impératives. Selon la Chambre sociale, il s’agit, dans cette décision, de faire « prévaloir les dispositions de police des étrangers qui sont préalables à l’application d’une protection supposant un contrat de travail susceptible d’exécution ».
Relevons la sévérité de la solution retenue par la Cour de cassation qui conduit à exclure à certaines salariées le bénéfice non seulement des dispositions protectrices de la femme enceinte applicables dès le constat de grossesse mais aussi celles afférentes à la période de congé maternité.
► Cass. soc. 15 mars 2017, FS-P+B+R+I, n° 15-27.928